Etape 1 - Erg Chebbi/Erg Znaïgui : 33 km
Température à
10h : 20 degrés et 36% d'hygrométrie
Température à 13h : 29 degrés et 24% d'hygrométrie
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Le réveil sonne à 6h. Je vérifie que les élastoplastes posés la veille sont toujours collés sur moi. Je traine un peu dans la chambre, entre vérifications, TOC et excitation du départ, mon esprit
est un peu brouillé. Enfin la dernière douche avant une semaine de crasse-attitude. Le petit déjeuner à l’hôtel permet à certains de profiter encore une dernière fois des viennoiseries locales.
D’autres utilisent leur ration de déjeuner lyophilisé type Müesli ou spordéj non utilisé suite à l’annulation de la 1ère étape. Pour ma part je m’enfile un tiers de
« gatosport » cuit à la maison 4 jours auparavant. Sorte de brownie hyper glucidique. C’est notre ultime repas non pris en autosuffisance et cela se voit… tout le monde se
« remplit »... Les bus nous attendent dehors. Les coureurs viennent poser leur sac à dos dans la soute. Toujours avec soin. D’autres préfèrent le garder avec eux. Je me rends compte à
ce moment là de l’importance que revêt le sac à dos pour chacun des participants : il sera son bébé le plus cher pendant ces quelques jours. Personne ne doit s’en approcher. Il fait corps
avec lui. Il a sans doute bénéficié de la plus grande bienveillance de son porteur pendant les dernières semaines de préparation. Au détriment des familles, certainement...Chaque lanière a été
réglée au millimètre, chaque objet à l’intérieur est à une place bien particulière, un équilibre savamment trouvé au fil des entrainements et des essais, certains ont bricolé des systèmes
d’hydratation rapide…
Contrairement à l’imaginaire d’un non-initié, courir avec un sac à dos n’est pas aussi fatiguant que cela. La
foulée est certes moins aérienne, les pieds s’écartent un peu (comme un canard), la vitesse moins importante pour conserver un rythme cardiaque normal, mais la gêne du poids est moindre, dans la
limite du raisonnable… D’ailleurs porter 8 à 12 kgs doit se faire naturellement si l’on ne veut pas que le MDS ne tourne au cauchemar.
Après une heure de route nous arrivons au beau milieu d’un no man’s land. Nous apercevons au loin la ligne de départ. C’est beau une ligne départ ! Les lignes d’arrivées seront encore plus
belles…
Le regard figé vers ces dunes que nous allons bientôt piétiner, nous sortons les tubes de protections solaires des sacs. Les sticks lèvres aussi. Et notre champion à nous c’est
Stéphane. Le 7ème luron de notre tente. Notre clown blanc à nous. Peau de rouquin oblige, c’est un avaleur de crème (un bouffeur de kilomètres aussi). Stéphane, c’est le sage le plus
cinglé que j’ai pu rencontrer.
Pas étonnant qu’il soit militaire.
C'est un homme droit, généreux avec les autres comme dans l’effort. Un vrai baroudeur, qui a déjà courru dans pas mal de pays et avec qui on aimerai bien faire la Diagonale du Fou.
Il n'y a plus qu'à attendre sa prochaine mutation en fin d'année. Mais si ce doit être le Grand Raid de Nouvelle-Calédonie... ça me va bien aussi...
Il faut peu de temps pour que tout le monde gagne la
ligne de départ. Debout sur un 4/4 Patrick Bauer nous régale d’un briefing sur le parcours et les conditions météos.
Il est 10h. Ou presque…
Tout le monde crie de bonheur le compte à rebours 10…9…8…7…6…5…4…3…2...1...zzzzzzzzzééééééééééééérrooooooooooooooooooo………
Patrick Bauer jette au micro son « vous êtes maaagnifiquueeeeeeeeeeeeees !!! », et nous on se jette dans la course.
Olivier, Etienne, Jérôme, Laurent, Abilio et Guillaume partent pour un bon bout de chemin ensemble. Stéphane, notre éclaireur, est parti comme une flèche, comme il le fera durant toutes les
étapes. Le départ est rapide. La frustration des premiers jours disparaît avec nous dans un nuage de poussière sur ce terrain caillouteux. Les va-et-vient de l’hélicoptère au dessus de nos têtes
rappellent, à ceux qui en doutaient, que nous ne sommes pas dans une course ordinaire...
Les 3 premiers kilomètres dans le désert sont avalés par un peloton piaffant d’impatience. C’est alors que
les premières dunes de sable s’offrent à nous. Un premier test. Y courir est une première pour beaucoup. Et LA question… « le sable va-t-il
entrer dans mes chaussures ? » va pouvoir se vérifier… Beaucoup on bidouillé leurs systèmes de guêtres et la part créative de chacun va être mise à l’épreuve. Les foulées deviennent
lourdes lorsque l’on aborde une dune de face ; le peloton s’effiloche. Doubler devient compliqué ; Seul courir sur les crêtes ou à l’écart permet de conserver sa propre cadence. Rester
dans « la file » a l’avantage de pouvoir rester sur des sections de sable déjà tassées et donc plus stables, mais le rythme y est saccadé… un peu comme l’effet « accordéon »
des autoroutes surchargés. Les dunes s’enchainent, et nous nous écartons régulièrement pour conserver un semblant de vitesse de croisière.
Après 11 km constitués uniquement de dunes nous arrivons au CP 1 (Check Point ou Point de Contrôle). Là un
contrôleur perfore notre carte de pointage et nous donne une bouteille d’eau. Comme à chaque CP et durant tout le MDS, nous prenons le temps de remplir nos bidons, nous rafraichir et plaisanter
quelques secondes avec des membres de l’organisation. Au final, je n’ose imaginer le temps « perdu » contre le chronomètre… mais ce cérémonial n’est certainement pas étranger à notre
fraicheur à tous les 6 après le MDS. Très souvent nous doublions quelques km après les CP des coureurs qui n’avaient pas pris le temps de « respirer » un
peu.
Durant ce MDS la grande force de notre association a été de courir sans perdre de vue qu’il s’agissait d’une course festive ; Cela nous a permis de
beaucoup nous amuser, de prendre beaucoup de plaisir et ne souffrir que lorsqu’il le fallait. Sans jamais perdre de vue l’objectif essentiel : terminer le mieux possible, au classement et
physiquement. Et vivre une aventure avec les autres. Jamais seul.
Entre le CP1
et le CP2 c’est un faux plat montant de 9 km qui nous permet d’accélérer… un terrain caillouteux où il faut surveiller ses pieds pour éviter la chute. Olivier a un problème de bretelle à son sac
à dos, il faudra s’y mettre à plusieurs et s’arrêter à quelques reprises pour qu’il puisse repartir tranquillement. Dans cette même étape, la marocaine
Touda Didi a bénéficié de l’aide de Fabien Debaucheron qui l'a aidé à réparer son sac…La future gagnante du Marathon Des Sables 2009 sauvée par celui qui terminera 21ème au
général… La solidarité au MDS, c’est une règle d’or. Le classement est secondaire. L’aventure humaine passe avant.
Au kilomètre 23, après une petite partie plus ou moins vallonnée, nous nous retrouvons au beau milieu d’un
village en ruine. Inhabité. Ou presque… j’aperçois du linge sécher. Irréel. Qui peut habiter ici ? Mais pour l’autochtone l’irréel c’est nous… qui peut bien courir ici ?
Vers le kilomètre 25 nous aurons droit à notre première ascension de petit relief. Les cuisses poussent. Les
bâtons que j’ai laissés dans la valise ne me manquent pas. Ils ne m’auraient pas aidé non plus dans les dunes. Karim avait raison « tu es un coureur, pas un marcheur… tu n’en auras pas
besoin… ». Ils étaient beaux pourtant. Mais l’inutile n’a pas sa place au MDS.
La chaleur grimpe, mais rien d’exceptionnel, autour de 25° à midi. Il fera 30° à notre arrivée. Le rituel des
pastilles de sel s’est installé dès le départ. Toutes les ½ heures l’un de nous sortira son sachet pour faire le « porteur de sel » auprès des autres. Pour l’hydratation, chacun reste
maître de ses sensations. Dans la dernière très longue portion de dunes, à
environ 7 km de l’arrivée, mon mollet droit me pince soudainement. Une crampe s’annonce. Malgré un souffle de panique qui me saisi je réussi à garder mon sang froid. C’est trop tôt, je n’ai pas
le droit… quel erreur ais-je commis ? Je coupe mon effort, préviens le club des 5 de ne pas m’attendre, me lance dans une marche rapide tout en buvant et avalant un gel… 4 à 5 minutes plus
tard je cours à nouveau mais d’une toute petite foulée… A aucun moment je n’ai quitté des yeux mes amis chantant, ni des yeux, ni des oreilles… je n’ai finalement pas plus de 200 m de retard sur
eux. L’avantage des dunes c’est que quelques minutes ne suffisent pas à être irrémédiablement distancé… L’inconvénient c’est que 200 mètres à récupérer sur un groupe, ça ne se fait pas sans
effort… Je les gardes à une distance d'oreille raisonnable. Ils chantent. Alors je gère tranquillement mon retour parmi eux.
J’y arriverai. Et mon mollet ne me gênera plus de la semaine. Un début d’alerte qui changera ma manière de m’hydrater dès le lendemain. Je boirai deux
fois plus que la veille. Les dunes se succèdent jusqu'à l'arrivée. Un exercice parfois difficile mais un vrai régal...
Nous aperçevons au loin des petites taches noires et blanches: le bivouac. Tout en chantonnant, Olivier, le plus prévoyant, ramasse des brindilles en
courant. Il pense déjà au feu du soir. Notre chorale franchira l'arrivée en 4h23', 229ème sur plus de 800 arrivants. Stephane nous attend sous la toile de tente berbère.
Nous nous posons en même temps que les sacs à dos, enfin, à l'ombre. On retire chaussures puis chaussettes. Avec ce petit
stress de découvrir des pieds abîmés. Ca ne sera jamais le cas pour moi. Sauf ces 2 minis ampoules du 1er jour que je vais soigner et qui sècheront avant même la fin du MDS.
Ma préparation des pieds a été bonne. Le choix des chaussettes à doigts y est aussi pour beaucoup. Je me prépare un taboulé lyophilisé. Un petit bonheur bien frais alors que d'autres se font
chauffer des pâtes...
La journée va se dérouler tranquillement. Au ralenti. Les coureurs restent allongé ou assis la plupart du temps. Les seuls mouvements se font en direction des points médicaux, de la salle
internet pour envoyer un mail, du panneau d'affichage des résultats, des dunes pour faire ses besoins...
Et le bivouac, comme chaque jour, va vivre au rythme des arrivées. Des applaudissements de coureurs à coureurs. Auquels s'ajoutent les bravos des toujours gentils membres de
l'organisation. De plus en plus forts. La nuit tombe et le dernier arrivant est annonçé. Il est suivi de la voiture balai: Michel le dromadaire. Et c'est dans la clameur du bivouac qu'il sera
fêté. Au MDS, le dernier, c'est le premier.
Nous
creusons un trou pour y allumer le feu. Pastilles esbit et brindilles nous assurent une eau frémissante dans les casseroles en alu calées les unes aux autres. Une bouteille d'eau découpée sert de gamelle. Mon lyophilisé
du soir, un hachis parmentier, est un délice... Quelques noix de cajou et une compote de pomme, elle aussi lyo... et je suis repu.
Il est 20h. Le bivouac tente de dormir. Il aura du mal. La nuit tombe. Le spectacle est somptueux.
Beaucoup dormiront par micros sommeils.
D'autres s'assommeront à l'aide de somnifères. Pas mon truc. J'ai préféré mal dormir... Bien aidé par le vent. Mais se lever au beau milieu de la nuit, et contempler seul les étoiles en
plein désert ça vaut bien un mauvais repos! Et pour demain on verra bien...
Ce blog étant aussi à but pédagogique, je me dois de vous préciser que ce soir là mon pipi fut clair. Une urine « transparente » est le résultat d'une bonne hydratation. Et donc de
bonne augure pour l'étape du lendemain.
A suivre...